Le Premier égyptien: Hisham Kandil

Downtown Cairo.
Le nom du nouveau Premier Ministre égyptien a surpris nombre d’observateurs. Il s’agit du précédent ministre d’un portefeuille très important mais relativement discret, celui de l’irrigation et de la distribution d’eau, dans les deux derniers gouvernements (Sharaf et Ganzouri). Etant à peine agé de 50 ans, d’aucuns ont affirmé qu’il est trop jeune et manque d’expérience. A son actif, il a un PHD en ingéniérie d’une université américaine (Caroline du Nord), mais il est loin d’être le seul Egyptien à avoir recu une excellente formation aux Etats-Unis. Il a été directeur de cabinet de l’Irrigation entre 1999 et 2005 et membre de l’initiative pour le bassin du Nil dès 1999. Il a une expérience en développement avec la Banque Africaine de Développement en tant qu’Ingénieur en chef des resources en eau en Tunisie. Le partage de l’eau dans la région, avec l’Ethiopie et le(s) Soudan(s) qui pressent pour une distribution plus équitable, est un sujet ultra-important. Mais au final, le nouveau premier ministre dispose d’un profil plutôt technocrate, d’autres le qualifient même de “bureaucrate”, sans réel poids politique pour l’instant.

Le point positif est qu’il est relativement jeune et en rupture claire avec le passé proche ou lointain de l’appareil d’Etat. Il est probable qu’il nomme d’autres forces vives nouvelles dans son cabinet. Il se dit ne pas appartenir à un quelconque groupe politique, comme s’il il s’agissait d’une qualité dans l’Egypte post-révolutionnaire (on se rappelera qu’à part Mursi, les principaux candidats aux présidentielles ont rejeté toute affiliation à un parti ou groupe politique).

Contrairement à ce qui avait été annoncé dans les semaines qui viennent de s’écouler, il ne s’agit pas non plus d’un économiste d’envergure du type de Hazem El Beblawi ou comme Farouq El-Oqda, de la Banque Centrale. Il est probable que les personalités libérales et islamistes qui ont été citées ces dernières semaines ne se soient pas pressées au portillon pour occuper le poste. Car le succès du premier ministre relèvera réellement de l’exploit: la situation socio-économique désastreuse, des partis et courants civils incapables de s’entendre sur le minimum requis pour accélérer la transition démocratique, un appareil d’état et de sécurité à réformer, une armée omni-présente à tous les échelons de la Nation, qui aura son mot à dire pour la nomination des postes clefs du gouvernement comme l’Intérieur, les Affaires Etrangères et bien sur, la Défense.

On peut penser que le président Mohammed Morsi, lui-même une personalité relativement réservée, a tenu à nommer un premier ministre qui ne soit pas en mesure, par son poids politique, de faire trop d’ombre au président et qui ne soit pas politiquement apte à prendre des mesures qui s’éloignent de la ligne du parti actuellement le plus puissant (le Parti de la Liberté et de la Justice – Frères Musulmans). Exit dont les noms “premier ministrables” donnés dans un premier temps: les El Baradei, Nabil El Arabi, Sabbahhi et autres Aboul Foutouh. Que le nouveau Premier ait été ou non affilié à la confrérie comme l’ont annoncé certains responsables politiques, ne change pas grand chose au niveau politique. Il est avant tout un technocrate qui sera chargé d’exécuter un programme politique décidé au niveau du parlement et des partis qui le dominent, ainsi que le “projet renaissance” présenté dans les grandes lignes par le président durant sa campagne. Sans le soutien politique de différentes forces politiques qui ont émergé de la révolution du 25 janvier (au-delà du PL&J et alliés proches) et donc placé sous un feu de critiques au moindre faux pas, et au-delà de la liste de défis à relever, il faudra voir si ce premier ministre tiendra la route longtemps. 


Sources:

PROFILE: Egypt's new PM Hisham Kandil (Al Ahram)
Some would like to give new Egypt PM a chance (Al Ahram)
Egypt's new PM faces first dilemma over claimed Islamist affiliations (Al Ahram)
Egypt president names new prime minister, a surprise to many (LA Times)

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