Présentation des principaux candidats aux élections présidentielles

A moins d'une semaine du premier tour des élections présidentielles égyptiennes (23 et 24 mai 2012 et second tour 16 et 17 juin), dont le résultat, pour la première fois de l'histoire de la république, n'est pas connu d'avance, il convient de faire le point sur les candidats sur lesquels les électeurs vont pouvoir porter leur vote. Sauf grande surprise, les deux candidats qui passeront au second tour dans ce système d'élection directe majoritaire à deux tours, seront l'un des cinq candidats présentés ci-dessous. Même si les élections sont le "top de l'iceberg" d'un système démocratique, cette élection sera a plusieurs titres très importante dans la mesure où, en l'absence de nouvelle constitution, les pouvoirs seront extrêmement concentrés dans les mains du prochain président qui, sur papier, aura le loisir d'adopter les lois et de les exécuter et, dans certains cas, a toujours une préséance sur le judiciaire. Aucun être humain disposant des pleins pouvoirs, ou quasi,  n'étant enclin naturellement à le partager, le chantier institutionnel en Egypte durera probablement plusieurs années après cette élection.

Un tableau publié sur le site web du journal Al Ahram (gouvernemental) donne une vue d’ensemble de la position de ces cinq candidats aux élections présidentielles dans chaque domaine de politiques publiques. Pour la facilité, j'ai intégré le tableau dans un fichier Excel, traduit en français, et disponible ici. Il faut noter que le tableau est traduit de l'information disponible sur le site du Al Ahram et non du programme complet des candidats. Il y a donc quelques "trous", notamment en ce qui concerne le programme économique du candidat nassériste de gauche, Hamdeen Sabahi. Il sera complété au fur et à mesure. La question du programme est une chose, mais la question de la capacité à l'appliquer et de la confiance dont dispose le candidat auprès de la population, ainsi que la réelle intention (au-delà du marketing politique) en est une autre.

Brève présentation des candidats

Ahmed Shafiq est le dernier premier ministre de Hosni Moubarak et ancien commandant des forces aériennes. Les électeurs voteront donc pour lui en connaissance de cause. Il attire les voix de la "majorité silencieuse" qui préfère la dictature à l'instabilité ou au risque islamiste. Sa participation tient toujours à une décision de justice. Il bénéficie du report de voix potentielles attribuées à Omar Souleimane (le numéro du système Mubarak et ancien chef de la police secrète et homme de main de la CIA en Egypte), plus populaire, mais dont la candidature a été annulée par la Commission Électorale en raison d'un nombre de signatures de soutien non valables. 
Affiche pour la campagne du candidat Ahmed Shafiq, dernier premier ministre de Hosni Moubarak. On peut y lire comme slogan, traduction littéraire: "Du travail, et non des paroles".
Un évènement à relever est qu'en mars 2011, alors qu'il était premier ministre, Shafiq a complètement perdu ses moyens face à l'écrivain Alaa El Aswany (auteur entre autres de l'Immeuble Yacoubian). Il démissionnera le lendemain, fruit de plusieurs semaines de contestations et d'incidents depuis le mois de janvier mais aussi à cause de cette interview qui fut probablement la goutte qui fit déborder le vase. 

Abdel Moneim Aboul Fotouh est un ancien membre du bureau de guidance de la confrérie des Frères Musulmans, fonction qu'il a occupée durant 20 ans. C'est un islamiste modéré en mesure d'attirer certaines des voix libérales et de la jeunesse révolutionnaire. Récemment, des salafistes ont appelé à voter pour lui en raison de calculs politiques. Opposant à Sadate, puis à Mubarak, il a été plusieurs fois emprisonné, notamment de 1996 à 2001. Son programme politique, me semble plus créatif et plus complet par rapport au programme d'autres candidats. 


Une vidéo de la campagne d'Aboul Foutouh, qui met en scène un théâtre de marionnettes. 

Mohammed Mursi est le candidat islamiste déclaré de la branche politique des Frères Musulmans. A la base le second choix après la disqualification de Khairat Shater par la commission électorale. Il bénéficie de la grande capacité de mobilisation du mouvement durant la campagne et le jour des élections. Etant donné que le Parti a récolté quasi 50% des votes lors des dernières élections parlementaires il y a 4 mois, je vois mal le candidat de ce parti faire un score ridicule et il pourrait se placer au second tour. Le programme est fortement tourné vers le commerce et la continuation des mesures sociales entreprises par le mouvement sur le terrain depuis de nombreuses années. Le programme me semble plus conservateur sur le plan des valeurs et économiquement plus libéral que celui d'Aboul Foutouh. 

Hamdeen Sabahi est un candidat de gauche, nassériste, ancien prisonnier politique. C'est le seul candidat laïc (dans le top 5) non lié de près ou de loin à l'ancien régime. Proche des jeunes révolutionnaires et de la société civile au même titre que Aboul Foutouh, il affaiblit un peu la position de ce dernier dans un vote qui va se jouer à quelques pour cents. Sabahi est en tête d'un groupe de 4 candidats que l'on pourrait qualifier d'urbains, laïcs, libéraux du point de vue des valeurs et marqués du centre-gauche à la gauche radicale sur le plan socio-économique (il n'y a pas véritablement d'extrême-gauche représentée). L'effacement de l'un ou plusieurs de ces candidats en la faveur de Sabahi pourrait influer sur ses chances d'accéder au second tour qui sauf grande surprise me semblent minimes. 

Et finalement, l'un des autres favoris est Amr Moussa, un vieux routier de la politique qui se positionne au centre. Ancien membre de l'ancien régime qui s'en est relativement distancé lors de son passage de dix ans à la Ligue Arabe. Ses adversaires politiques le considère toujours comme "feloul" (membre d'une armée en déroute). Amr Moussa est un peu à Shafiq ce que Aboul Foutouh est à Mursi, à savoir deux candidats capables de récolter un certain consensus autour de leur candidature. 

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