La transition démocratique en Egypte se fera avec les “pro-Morsi” ou elle n’aura pas lieu.
Les efforts de la communauté internationale
étant arrivés plus ou moins à leur terme en Egypte, la solution pour sortir de l’impasse devrait revenir une fois de
plus aux Égyptiens.
Le support apporté au coup du 3 juillet
2013 est et reste une immense erreur dans les rangs
libéraux égyptiens. Entre le statu quo et le coup d’état
militaire (même pour mettre en place un gouvernement civil), il y avait une
gamme d’options possibles allant de la mise en place d’un référendum, de
nouvelles élections (vu l’impasse), ou forcer un dialogue national. On voit mal
comment une partie renversée par un coup d’Etat pourrait revenir à court terme dans une
discussion portant sur la recherche d’une solution de compromis. On voit en
outre mal un quelconque processus se mettre en marche tant que Mohammed Morsi
est toujours en détention.
Le “parti” le plus populaire en Egypte,
le plus apprécié est, quels que soient les événements, c’est l’armée. Le niveau de popularité le plus bas que l’on a pu trouver
concernant l’armée égyptienne est durant les combats de la rue Mohammed
Mahmoud, qui a fait plus d’une centaine de morts dans les rangs libéraux. A ce
moment-là, l’armée comme institution était toujours créditée de... 80%
d’opinions favorables. On peut dire que le processus consistant à mettre en place une démocratie parlementaire est populairement marginal, il doit donc être fortement supporté.
Ecrire une constitution « sur un
bord de table » comme c’est le cas à présent n’a que rarement donné de
résultats durables dans l’histoire moderne. La constitution de décembre 2012, passée en
force par le gouvernement Morsi, puis soumise au référendum, était loin d’être un modèle de compromis. Les
deux comités mis en place par le président Adly Mansour vont probablement
partir de cette constitution et l’amender. Il n’est pas prévu pour l’instant d’inclure
dans le processus de membres de l’Islam politique.
Le gouvernement et les auteurs du coup
d’état ont sous-estimé la capacité de mobilisation de la nouvelle opposition. Après les deux massacres du
8 juillet (au moins 54 morts selon les différentes sources) et du samedi 27
juillet (plus de 120 victimes). Il est question de faire disperser les
manifestants par les forces du Ministère de l’Intérieur (pas l’armée). A
l’heure où j’écris ces lignes, un débat ferait rage autour de la présidence
concernant la dispersion des manifestants à Rabaa et á la place Nahda. Disperser
la foule immense sur les deux sites ne pourrait se faire sans un grand nombre de victimes. Ce serait politiquement dur à justifier d’autant plus
que les médias internationaux semblent être bien présents sur place même si cela ne garantit pas grand chose.
Si quoi que ce soit peut encore être
sauvé, il est temps de se mettre autour de la table, mais il faudra un sérieux
rapport de force pour que le résultat soit durable.
Tout le monde a eu son compte de massacre de l’œuvre de l’appareil
d’état : police militaire, ministère de l’intérieur, agents en civil
« non identifiés ». Les libéraux lors de Mohammed Mahmoud, les Coptes
à Maspero, les Ultras à Port Saïd, les attaques répétées contre les femmes,
puis récemment les massacres de la garde républicaine et de la mosquée de
Rabaa. Seuls les membres de l’appareil de l’Etat profond n’ont rien du payer
depuis une révolution visant à les renverser. Les plus cyniques diront que c’est
précisément ce qui a permis à l’Egypte d’éviter, jusqu'à présent, un scénario à la syrienne.